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« quatre mètres de long, deux mètres de large, en hauteur, un mètre cinquante, sans lumière, dire cela, un plafond, de plâtre, un plancher, des murs, en briques, par quatre, pas d’entrée, espace d’ombre, vide, traversé de lignes droites, parallèles, d’angles droits dans les coins, lignes perpendiculaires, une géométrie restreinte, un lieu infréquentable, inaccessible à l’œil, derrière un écran noir sur noir, pas de projection, c’est un tableau, dit la voix, chuchotant, à l’oreille, inaudible, ou presque, – sauf le corps, quant à lui, au plancher, déchu, ras le sol, au centre, de peau blanche, nue, voilée d’ombre, sans contraste, peau ridée, hanches maigres, mains fripées, moites, cou plié, humide, épaules étroites, poils ternes, hérissés, tempe, front, trempés, menton, joues, plissées, genoux collés au front, bras collés au crâne nu, ou presque, c’est encore flou, dos plié, peau saupoudrée de poussière de plâtre, une pellicule fine, blanche poussière, blancheur fausse, voilée d’ombre, au tracé invisible, corps fixe, arrêté dans son élan, insensible, dans une enfance, danseur nu fardé de craie blanche, dans le noir, c’est un portrait, dépeint la voix, par soupirs, et plaintes ponctuées de pauses, par défi d’épuisement, détachant tous les mots, sans donner à comprendre, et feindre de disparaître, dans le silence, comme ici, à présent, le temps de respirer, et déchirer le temps, sans savoir trop quoi dire, remplir de mots l’espace, puis, après, se répéter, corps blanc, radiant, lumière obscure, projections d’ombre, écran noir sur noir, un amas de chair nue, inaccessible à l’œil, ensommeillé, abruti, tête au pied, pas d’attente, ni de révolte, ni de mouvement, jamais un, pas une fois, – sauf les paupières, quant à elles, se rouvrent, parfois, par secousses, se referment, après un temps, se rouvrent, après un temps encore, se referment encore, par rythme accidenté, et regardent droit devant, d’un écran à un autre, une nuit par dessus l’autre, le levé du grand rien, pour ne jamais savoir, ni se douter, de rien, et ne comprendre rien, comme ici, à présent, une scène primitive, une enfance, enfermée dans le placard, s’excite la voix, par insinuations perverses, conjectures indigestes, rien de bien catholique, sans jamais oser dire, avec justesse, la chose, languissant sur des mots, sans trop de conséquences, tout le temps, des mots blancs, sur la langue, comme ici, à présent, que du vent, sombre dans le creux obscur, à dépouiller du vide, redondances, pour se faire désirer, puis, après, se répéter, jambes grises, maigres, ventre mou, doigts, petits, raides, joints serrés, rouillés, mollets secs, cuisses desséchées, froides, jambes collées, tendons, muscles, raides, tendus, paralysés, de partout, l’inertie, sans relâche, de bout en bout, – sauf le buste, arrive, quant à lui, parfois, par secousses, impromptues, brusques, irrégulières, à surprendre la pénombre, bousculer la blanche poussière, par spasmes mécaniques, par rythme accidenté, de collisions, de déchirements nerveux, compressions pulmonaires, dérèglements musculaires, convulsions d’organes, hoquets automatiques, ajouts syntaxiques, comme ici, à présent, un battement de cœur, oublié, omis, et maintenant, manqué, ajoute la voix, toujours à déballer, par simple automatisme, sans plus prendre de pauses, par dernières convulsions de dire, avant qu’arrive la fin, le désir d’ajouter, il faut, sans même se faire entendre, il faut se faire oublier, disparaître, être là, mais l’être au moins possible, ou n’avoir jamais été, forclos derrière l’écran, inaccessible à l’œil, et continuer ainsi, apprendre à ne pas être, sans émettre de bruit, pour réveiller les morts, depuis la bouche, pas de son, quant à elle, engourdie, lèvres froides, langue sèche, creuse, comme du bois, pas une seule inspiration, saisissement, ou circulation, de sens, de sensation, mais le sifflement, sourd, sépulcrale, du gouffre, une caverne glaciale, un bâillement sans écho, la pesanteur du vide, dans le trou pulmonaire, sans profondeur, ni substance, ni secret, où jamais rien n’arrive, – sauf le souffle, arrive, quant à lui, de la bouche, parfois, et crépite, par reflux insonores, pour évacuer le vide, d’une haleine incisive, muette, aiguisée, à découper la chair, en strates décousues, intérieures, et passer par les narines, pour respirer peut-être, pas même une inspiration, mais expirer sans faute, avec d’immenses efforts, chaque fois pour en finir, sans perdre le fil, une seule seconde, il faut tendre l’oreille, pour écouter de près, parvenir à saisir, cachées, derrière l’écran noir sur noir, percevoir, au revers de l’obscure, des contorsions timides, des frissons pulmonaires, des aveux expiratoires, comme ici, à présent, pour le concevoir, il faut l’imaginer, abjure la voix, c’est ça, imaginer, qu’est ce qu’il ne faut pas entendre, des conneries de ce genre, des projections, aucun sens, sans lumière, un écran noir sur noir, inaccessible à l’œil, dès le départ, une naissance obscure, là, devant les yeux, et ajouter le silence, là encore, un écran, un silence de mort, peut être du statique, en permanence, seulement pour écouter, mieux, dans le noir, de chaque angle, du dedans, du dehors, à l’oreille, gauche, imperméable à tout, tous les bruits, suspendus, tous les sons,­ – sauf la voix, quant à elle, déblatère, à perdre haleine, des mots vides, à l’oreille, y souffle des tas de choses, toutes aimantes, douce langue, fausse, de cruauté inouïe, défilant par centaines, par milliers, chacune intolérable, comme ici, à présent, pour donner à entendre, se laisser appâter, écouter, dire cela, à haute voix, répéter, il faut garder le silence, faire régner, en permanence, un silence de mort, au dedans, au dehors, à tout angle, le dire à l’oreille gauche, avec des mots blanc, insignifiants, de les avoir trop dits, bruissements obscurs, de trop de sens, de sons, d’intentions, et de merde, châtie la voix, par débit frénétique, accélérant sa course, mais sans remuer des lèvres, la gueule en suspension, mâchoire en feu, glacée, sans jamais arriver à briser le silence, pour une seconde, par inspirations profondes, comme ici, à présent, susurrer à l’oreille, une petite berceuse, douce, il aurait fallu l’entendre, ça chanté, ou une voix qui porte, chanter forte, et bien plus fort encore, se laisser emporter, au sommet de la jouissance, et qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre, des conneries de ce genre, se croire à l’opéra, les cordes déchiquetés, et la voix qui se perd, à expirer sans fin, fatiguée à bout de course, sans arriver au but, pour s’achever, s’épuiser, jusqu’à rendre le souffle, jusqu’à devenir vide, comme ici, à présent, du bruit blanc, il faut écouter ça, en permanence, pour dépenser à perte, par fuites intestinales, rébus, et pour jeter de l’ombre, sur les choses, fabriquer, charger d’insinuations, mordiller l’oreille gauche, sourde de trop entendre, impassible à tout sens, pour que rien n’y pénètre, jamais, – sauf les cris, quant à eux, y pénètrent, de tout angle, du dedans, du dehors, crescendo, par centaines, par milliers, à crever les tympans, et résonnent, entre les murs, par dépôts de voix blanches, jetées dans la pénombre, jusqu’à rendre cinglé, entrecroisements, interférences, répétitions, côtes griffées, creuses, oreille aride, bas-ventre, sexe, stérile, ongles, dents, fêlées, pieds, nez, maigres, brisés, phalanges, dos, cinglé, sans aucune faute, et continuer ainsi, jusqu’à ne plus rien entendre, sourde oreille, impassible aux injures, dans le creux du silence, blasphème, profane de la langue morte, lapsus du verbe dieu, s’immiscent de partout, entre briques et ciment, entre les joints et la porte, jusqu’à défaire les murs, fracasser le plancher, et lézarder le plâtre, en chutes, par dessus l’écran noir sur noir, écroulements, de plâtre en avalanche, pluie de poussière, blanche, sur fond de matériaux, en cascade, blancs, radiant, interminables, de cris, gorge à vif, poings resserrés, clapet, écarté, déboité, trou, grand, obscur, cou, plié, joues, tendues, silence brisé, des voix nées du dedans, dissonantes, sourdes, stridentes, les vagissements, quant à eux, renaissent, de partout, ça vagit, comme ici, à présent, hurle la voix, tourmentée, maintenant de loin en loin, fracassée, en débris, quasi imperceptibles, par les cris, qui entrent par le sillage, entre les joints qui cèdent, et la porte entrouverte, quant à elle, dès le départ, effacée, par l’écran, ne perd rien pour attendre, rejeton, fardeau des écritures, comique imaginaire, noyé sous les décombres, un chœur vif, corps vivant, sous les débris, enterré, imprégné de lumière, source blanche, aveuglante, intolérable à l’œil, projetée sur l’écran blanc sur blanc, front plié, sourcils, plissés, froncés, pupilles, rétractées, rétine, blanche, corps, blottis, une enfance, enfermée dans le placard, pour évacuer les voix, regagner le silence, un silence de mort, mais toujours les entendre, de retour, et plus fort, dire une dernière fois, à chaque fois la dernière, le dernier demi-mot, pour finir, là dessus, pouvoir rendre le souffle, à la fin, inaudible, à l’oreille, sourde, dire cela, de vive voix, rien de plus, ne rien dire, dès le départ, jamais rien, qu’un portrait, dit la voix, un tableau peint en blanc »

 

Amin Erfani